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PIERRE DE RONSARD

guration que ce « grand poète entre les poètes » a fait subir à son œuvre, lorsqu’il l’a remaniée pour l’in-folio de 1584 :

« Deux ou trois ans avant son décès, étant affaibli d’un long âge, affligé des gouttes et agité d’un chagrin et maladie continuelle, cette verve poétique, qui lui avait auparavant fait bonne compagnie, l’ayant presque abandonné, il fit réimprimer toutes ses poésies en un grand et gros volume, dont il réforma l’économie générale, châtra son livre de plusieurs belles et gaillardes inventions, qu’il condamna à une perpétuelle prison, changea des vers tout entiers, dans quelques-uns y mit d’autres paroles qui n’étaient de telle pointe que les premières, ayant par ce moyen ôté le garbe qui s’y trouvait en plusieurs endroits, ne considérant que, combien qu’il fût le père et par conséquent avait toute autorité sur ses compositions, si est-ce qu’il devait penser qu’il n’appartient à une fâcheuse vieillesse de juger des coups d’une gaillarde jeunesse. »

Pasquier a été plus sévère encore, et par avance, sur l’édition posthume de 1587 que Jean Galland prétendait donner d’après les dernières corrections de l’auteur :

« Un autre peut-être reviendra après lui, qui censurera sa censure, et redonnera la vie à tout ce qu’il a voulu supprimer. J’entends qu’il y a quelqu’un (que je ne veux nommer) qui veut regratter sur ses œuvres, quand on les réimprimera ; s’il est ainsi, ô misérable condition de notre poète, d’être maintenant exposé sous la juridiction de celui qui s’estimait bien honoré de se frotter à sa robe quand il vivait ! »

L’autre jugement n’est pas moins intéressant, c’est celui du célèbre érudit Claude Dupuy, au cours d’une lettre inédite à G. V. Pinelli, bibliophile de Padoue, que j’ai citée dans Ronsard et l’Humanisme, p. 233. Il met en garde son correspondant sur les textes de 1584 et 1587 :

« J’aimerais beaucoup mieux les premières éditions que ces dernières, èsquelles il a tout gâté selon mon juge-