Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/181

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Mais batue ou de pluye, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt fueille à fueille déclose :
Ainsi en ta premiere et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obseques reçoy mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de laict, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses.


IIII

DIALOGUE. LE PASSANT ET LE GENIE


Passant

Veu que ce marbre enserre un corps qui fut plus beau
Que celuy de Narcisse, ou celuy de Clitie,
Je suis esmerveillé qu’une fleur n’est sortie,
Comme elle feit d’Ajax, du creux de ce tombeau.

Genie

L’ardeur qui reste encore, et vit en ce flambeau,
Ard la terre d’amour, qui si bien a sentie
La flame, qu’en brazier elle s’est convertie,
Et seiche ne peult rien produire de nouveau.
Mais si Ronsard vouloit sur sa Marie espandre
Des pleurs pour l’arrouser, soudain l’humide cendre
Une fleur du sepulchre enfanterait au jour.

Passant

A la cendre on cognoist combien vive estoit forte
La beauté de ce corps, quand mesmes estant morte
Elle enflame la terre, et sa tombe d’amour.