Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/233

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Le beau trait de son œil seulement ne me touche :
Je n’aime seulement ses cheveux et sa bouche,
Sa main qui peut d’un coup et blecer et guarir :
Sur toutes ses beautez son sein me fait mourir.
Cent fois ravy je pense, et si ne sçaurois dire
De quelle veine fut emprunté le porphire,
Et le marbre poly dont Amour l’a basty,
Ny de quels beaux jardins cest œillet est sorty,
Qui donna la couleur à sa jeune mammelle,
Dont le bouton ressemble une fraize nouvelle,
Verdelet, pommelé, des Graces le sejour.
Venus et ses enfans volent tout à l’entour,
La douce mignardise et les douces blandices,
Et tout cela qu’Amour inventa de delices.
Je m’en vay furieux sans raison ny conseil :
Je ne sçaurois souffrir au monde mon pareil.
Ainsi disoit ce Dieu tout remply de vergongne.
Voila pourquoi de nous si long temps il s’eslongne
Craignant vostre beauté, dont il est surpassé :
Ayant quitté la place à l’Hyver tout glacé,
Il n’ose retourner. Retourne je te prie,
Printemps pere des fleurs : il faut qu’on te marie
A la belle Isabeau : car vous apparier,
C’est aux mesmes beautez les beautez marier,
Les fleurs avec les fleurs : de si belle alliance
Naistra de siecle en sielce un Printemps en la France.
Pour douaire certain tous deux vous promettez
De nous entre-donner voz fleurs et voz beautez,
Afin que voz beaux ans en despit de vieillesse,
Ainsi qu’un renouveau soient tousjours en jeunesse.