Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/308

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Froid, sans saveur, baiser d’un trespassé,
Tel que Diane en donnoit à son frere.
Tel qu’une fille en donne à sa grand’mere,
La fiancée en donne au fiancé,
Ny savoureux, ny moiteux, ny pressé.
Et quoy, ma lévre est-elle si amere ?
Ha, tu devrais imiter les pigeons,
Qui bec en bec de baisers doux et longs
Se font l’amour sur le haut d’une souche.
Je te suppli’, Maistresse, desormais
Ou baise moy la saveur en la bouche,
Ou bien du tout ne me baise jamais.


IX

Je voudrois bien n’avoir jamais tasté
Si follement le tetin de m’amie :
Sans ce malheur l’autre plus grande envie
Ne m’eust jamais le courage tenté.
Comme un poisson pour s’estre trop hastc,
Par un apast suit la fin de sa vie,
Ainsi je vaiz où la mort me convie,
D’un beau tetin doucement apasté.
Qui eust pensé que le cruel destin
Eust enfermé sous un si beau tetin
Un si grand feu pour m’en faire la proye ?
Avisez donc quel seroit le coucher,
Quand le peché d’un seul petit toucher,
Ne me pardonne, et les mains me foudroye.