Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/327

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Voicy le cinquiesme an de ma longue prison,
Esclave entre les mains d’une belle Corsaire.
Maintenant je veux estre importun amoureux
Du bon pere Aristote, et d’un soin genereux
Courtiser et servir la beauté de sa fille.
Il est temps que je sois de l’Amour deslié :
Il vole comme un Dieu : homme je vais à pié.
Il est jeune, il est fort : je suis gris et debile.


XXXVII

Maintenant que l’Hyver de vagues empoullées
Orgueillist les Torrens, et que le vent qui fuit,
Fait ores esclatter les rives d’un grand bruit,
Et ores des forests les testes éfueillées :
Je voudrois voir l’Amour les deux ailes gelées,
Voir ses traicts tous gelez, desquels il me poursuit,
Et son brandon gelé, dont la chaleur me cuit
Les veines, que sa flame a tant de fois bruslées.
L’Hyver est tousjours fait d’un gros air espessy
Pour le Soleil absent, ny chaut ny esclaircy :
Et mon ardeur se fait des rayons d’une face,
Laquelle me nourrit d’imagination.
Tousjours dedans le sang j’en ay l’impression,
Qui force de l’Hyver les neiges et la glace.


XXXVIII

Chacun me dit, Ronsard, ta Maistresse n’est telle
Comme tu la descris. Certes je n’en sçay rien :
Je suis devenu fol, mon esprit n’est plus mien,
Je ne puis discerner la laide de la belle.