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II. LIVRE DES ODES


  Mais la peine fut bien petite.
Si lon balance ton mérite :
    Le Ciel ne devoit pas
Pardonner à si lasche teste,
Ains il devoit de sa tempeste
    L’acravanter à bas.

  La Terre mère encor pleurante
Des Geans la mort violante
    Bruslez du feu des cieux,
(Te laschant de son ventre à peine)
T’engendra, vieille, pour la haine
    Qu’elle portait aux Dieux.

  Tu sçais que vaut mixtionnée
La drogue qui nous est donnée
    Des pays chaleureux.
Et en quel mois, en quelles heures
Les fleurs des femmes sont meilleures
    Au breuvage amoureux.

  Nulle herbe, soit elle aux montagnes.
Ou soit venimeuse aux campagnes,
    Tes yeux sorciers ne fuit.
Que tu as mille fois coupée
D’une serpe d’airain courbée,
    Béant contre la nuit.

  Le soir, quand la Lune fouette
Ses chevaux par la nuict muette,
    Pleine de rage, alors
Voilant ta furieuse teste
De la peau d’une estrange beste
    Tu t’eslances dehors.

  Au seul soufler de son haleine
Les chiens effroyez par la plaine
    Aguisent leurs abois :
Les fleuves contremont reculent.
Les loups effroyablement hurlent
    Apres toy par les bois.