Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 3.djvu/364

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Contrefais-tu la nonnain
Dedans un cloistre enfermée ?
Pour qui gardes-tu tes yeux
Et ton sein délicieux,
Ta joue, et ta bouche belle ?
En veux-tu baiser Pluton
Là bas, après que Charon
T’aura mise en sa nacelle ?
Apres ton dernier trespas
Gresle, tu n’auras là bas
Qu’une bouchette blesmie :
Et quand mort, je te verrois
Aux Ombres, je n’avou’rois
Que jadis tu fus m’amie.
Ton test n’aura plus de peau,
Ny ton visage si beau
N’aura veines ny artères :
Tu n’auras plus que les dents
Telles qu’on les voit dedans
Les testes des cimeteres.
Donque tandis que tu vis,
Change, Maistresse, d’avis,
Et ne m’espargne ta bouche :
Incontinent tu mourras.
Lors tu te repentiras
De m’avoir esté farouche.
Ah, je meurs ! ah, baise moy !
Ah, Maistresse approche toy !
Tu fuis comme un Fan qui tremble
Au-moins souffre que ma main
S’esbate un peu dans ton sein.
Ou plus bas, si bon te semble.


ODELETTE XXX. Ce-pendant que ce beau mois dure, Mignonne allon sur la verdure. Ne laisson perdre en vain le temps : L’âge glissant qui ne s’arreste,