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Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 6.djvu/226

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HYMNE DE LA MORT,

a louis des masures

Masures, on ne peut desormais inventer
Un argument nouveau qui soit bon à chanter,
Ou haut sur la trompette, ou bas dessus la lyre :
Aux anciens la Muse a tout permis de dire,
Si bien que plus ne reste à nous autres derniers
Que le vain desespoir d’ensuivre les premiers,
Et sans plus de bien loin recognoistre leur trace
Faite au chemin frayé qui conduit sur Parnasse :
Lesquels jadis guidez de leur mere Vertu,
Ont tellement du pied ce grand chemin batu,
Qu’on ne voit aujourd’huy sur la docte poussiere
D’Helicon, que les pas d’Hesiode et d’Homere
Imprimez vivement, et de mille autres Grecs
Des vieux siecles passez qui beurent à longs traits
Toute l’eau jusqu’au fond des filles de Memoire,
N’en laissans une goute aux derniers pour en boire :
Qui maintenant confus à-foule à-foule vont
Chercher encor de l’eau dessus le double Mont :
Mais ils montent en vain : car plus ils y sejournent,
Et plus mourant de soif, au logis s’en retournent.
Moy donc qui de long temps par espreuve sçay bien
Qu’au sommet de Parnasse on ne trouve plus rien
Pour estancher la soif d’une gorge alterée,
Je veux aller chercher quelque source sacrée
D’un ruisseau non touché, qui murmurant s’enfuit
Dedans un beau vergier, loin de gens et de bruit :
Source, que le Soleil n’aura jamais cognue,
Que les oiseaux du ciel de leur bouche cornue
N’auront jamais souillée, et où les pastoureaux
N’auront jamais conduit les pieds de leurs taureaux.
Je boiray tout mon saoul de ceste onde pucelle,
Et puis je chanteray quelque chanson nouvelle,