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POUR HÉLÈNE, LIV. II.

Il prit le plus beau feu du ciel, le plus suprême,
Pour animer ta masse, ainçois[1] ton beau printemps.

Hommes qui la voyez de tant d’honneur pourvue,
Tandis qu’elle est çà bas, soulez-en votre vue :
Tout ce qui est parfait ne dure pas longtemps.


IV.


Le juge m’a trompé : ma maîtresse m’enserre
Si fort en sa prison, que j’en suis tout transi :
La guerre est à mon huis[2]. Pour charmer mon souci,
Page, verse à longs traits du vin dedans mon verre.

Au vent aille l’amour, le procès et la guerre,
Et la mélancolie au sang froid et noirci ;
Adieu, rides, adieu, je ne vis plus ainsi :
Vivre sans volupté, c’est vivre sous la terre.

La nature nous donne assez d’autres malheurs
Sans nous en acquérir. Nu je vins en ce monde,
Et nu je m’en irai. Que me servent les pleurs,

Sinon de m’attrister d’une angoisse profonde ?
Chassons avec le vin le soin et les malheurs :
Je combats les soucis quand le vin me seconde.


V.


Vous triomphez de moi, et pour ce je vous donne
Ce lierre qui coule et se glisse à l’entour

  1. Ainçois : ou plutôt.
  2. Huis : porte ; d’où vient huissier, qui garde la porte.
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