Page:Ronsard - Choix de poésies, édition 1862, tome 1.djvu/443

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Que dans la chambre enfin la convoya
Pleurant en vain, comme une fiancée
Qui dès longtemps a donné sa pensée
A son amant, qui premier qu’apaiser
Sa flamme, est mort avant que l’épouser ;
Elle, de deuil et d’amour allumée,
Lamente seule en sa chambre enfermée,
D’un cri muet, à bouche close. Ainsi
Pleurait Clymène, et cachait son souci.

( Désespoir et plaintes de Clymène.)

Comme en son cœur elle pensait la sorte
Pendre son col au bout d’un soliveau,
Ou se percer l’estomac d’un couteau,
Ou s’étouffer du plus profond des ondes.
Ou s’en aller par les forêts profondes,
Par les déserts de rochers enfermés,
Servir de proie aux lions affamés :
Une poison lui sembla la meilleure
Pour détacher son âme tout à l’heure
Loin de son corps, et du corps le souci.
D’un pesant pas et d’un pesant sourcil.
Mélancolique, en passions outrée,
Elle est pleurante au cabinet entrée,
Où tout le bien que plus cher elle avait,
D’un soin de femme en garde réservait.

Sur ses genoux elle mit une caisse,
Puis mit la clef en la serrure épaisse,
La clef tourna, la serrure s’ouvrit.
Là, choisissant entre mille, elle prit
Une poison qu’on dit que Prométhée
A de son sang autrefois enfantée,
Quand le vautour, tout hérissé de faim,
A coups de bec lui déchirait le sein :