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Page:Ronsard - Choix de poésies, édition 1862, tome 1.djvu/49

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DES AMOURS.


Amour, amour, que ma dame est cruelle !
Soit qu’un dédain rengrége[1] mes douleurs.
Soit qu’un dépit fasse naître mes pleurs,
Soit qu’un refus mes plaies renouvelle.

Ainsi le miel de sa douce beauté
Nourrit mon cœur : ainsi sa cruauté
D’un fiel amer aigrit toute ma vie :

Ainsi repu d’un si divers repas,
Ores je vis, ores je ne vis pas,
Égal au sort des frères d’Œbalie[2]


  1. Rengrège : augmente, redouble.
  2. Des frères d’Œbalie : Castor et Pollux ; Pollux obtint de Jupiter, après la mort de Caetor, son frère, de partager avec lui son immortalité. Ils renaissaient et mouraient l’un après l’autre. (Homère, Odyssée, et Pindare Néméennes.)


XII[* 1].


Divin Bellay, dont les nombreuses[1] lois[2],
Par une ardeur de peuple séparée[3],
Ont revêtu l’enfant de Cythérée
D’arc, de flambeaux, de traits et de carquois :

Si le doux feu dont jeune tu ardois[4],
Enflambe encor’ ta poitrine sacrée,
Si ton oreille encore se récrée,
D’ouir les plaints des amoureuses voix,


  1. Nombreuses : harmonieuses
  2. Lois : pris ici pour vers, comme chez les Grecs νόμοι.
  3. Du peuple séparée : Ignorée du vulgaire.
  4. Tu ardois : ta brûlais ; du latin ardere.

  1. Réponse à un sonnet de Joachim du Bellay, qui adressait à Ronsard les mêmes éloges.