Page:Ronsard - Choix de poésies, édition 1862, tome 1.djvu/54

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Elle serait ma reine auprès de moi :
Mais n’étant rien, il faut que je m’absente

De sa beauté, dont je n’ose approcher
Que d’un regard transformer je ne sente
Mes yeux en fleuve et mon cœur en rocher.





XIX.


Chère maîtresse, à qui je dois la vie,
Le cœur, le corps, et le sang et l’esprit.
Voyant tes yeux amour même m’apprit
Toute vertu que depuis j’ai suivie.

Mon cœur ardant[1] d’une amoureuse envie
Si vivement de tes grâces s’éprit,
Qu’au seul regard de tes yeux il comprit
Que peut honneur, amour et courtoisie.

L’homme est de plomb, ou bien il n’a point d’yeux,
Si te voyant il ne voit tous les cieux
En ta beauté qui n’a point de seconde.

Ta bonne grâce un rocher retiendrait :
Et quand sans jour le monde deviendrait,
Ton œil si beau serait le jour du monde[2]


  1. Ardant : brûlant, du verbe latin ardere ; d’où les verbes français ardoir et ardre.
  2. Exagération dans le goût italien.


XX


Soit que son ôr se crêpe lentement,
Ou soit qu’il vague en deux glissantes ondes,
Qui çà, qui là, par le sein vagabondes
Et sur le col nagent folâtrement :