Page:Ronsard - Choix de poésies, édition 1862, tome 1.djvu/77

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Quel vermillon égaler la pourrait :
Car pour la peindre ainsi qu’elle mérite,
Peindre il faudrait celle d’une Charite[1].
Peins-la-moi donc qu’elle semble parler,
Ores sourire, ores embaumer l’air
De ne sais quelle ambrosienne haleine,
Mais par-sus tout fais qu’elle semble pleine
De la douceur, de persuasion.
Tout à l’entour attache un million
De ris, d’attraits, de jeux, de courtoisies,
Et que deux rangs de perlettes choisies
D’un ordre égal en la place des dents
Bien poliment soient arrangés dedans.

Peins tout autour une lèvre bessonne[2],
Qui d’elle-même en s’élevant semonne[3].
D’être baisée, ayant le teint pareil
Ou de la rose, ou du coural[4] vermeil :
Elle flambante au printemps sur l’épine,
Lui rougissant au fond de la marine.

Peins son menton au milieu fosselu,
Et que le bout en rondeur pommelu
Soit tout ainsi que l’on voit apparoître
Le bout d’un coing qui jà conunence à croître.

Plus blanc que lait caillé dessus le jonc
Peins-lui le col, mais peins-le un petit long,
Grêle et charnu, et sa gorge douillette
Comme le col soit un petit longuette.

Après fais-lui, par un juste compas,
Et de Junon[5] les coudes et les bras,

  1. Charite : grâce, en grec χάρις.
  2. Bessone : jumelle
  3. Semonne : demande ; de semondre
  4. Coural : corail, qui rougit au fond de la mer.
  5. Junon : Homère donne à Junon l'épithète de λενχώλενος, aux bras blancs