Page:Ronsard - Choix de poésies, édition 1862, tome 1.djvu/79

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Tout potelé, grasselet, rebondi,
Comme celui de Vénus, peins son ventre ;
Peins son nombril ainsi qu’un petit centre,
Le fond duquel paraisse plus vermeil
Qu’un bel œillet favori du soleil.

Qu’attends-tu plus, portrais-moi l’autre chose
Qui est si belle et que dire je n’ose,
Et dont l’espoir impatient me point[1] :
Mais je te pri, ne me l’ombrage point,
Si ce n’était d’un voile fait de soie,
Clair et subtil, à fin qu’on l’entrevoie.

Ses cuisses soient comme faites au tour,
A pleine chair, rondes tout a l’entour,
Ainsi qu’un terme[2] arrondi d’artifice,
Qui soutient ferme un royal édifice.

Comme deux monts enlève ses genoux,
Douillets, charnus, ronds, délicats et mous,
Dessous lesquels fais lui la grève[3] pleine.
Telle que l’ont les vierges de Lacène[4],
Quand près d’Eurote[5] en s’accrochant des bras
Luttent ensemble et se jettent à bas :
Ou bien chassant à meutes découplées
Quelque vieux cerf Ès forêts Amyclées[6] :

Puis pour la fin, portrais-lui de Thétis[7]
Les pieds étroits, et les talons petits.
Ah ! je la vois ! elle est presque portraite :
Encore un trait, encore un : elle est faite.

  1. Point : pique, blesse, tourmente.
  2. Terme : colonne.
  3. Grève : jambe
  4. Lacène : Sparte
  5. Eurote : Eurotas, fleuve de Laconie
  6. Amyclées : forêts des environs de Lacédémone. Amyclée était une ville de Laconie.
  7. Thétis : Homère l'appelle : Déesse aux pieds d'argent, άργυρόπεζα.