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Qu’elle ne m’a tuée aveques ma fidelle.
r. Voudrois-tu bien mourir aveques ta compaigne ?
t. Oui, car aussi bien je languis de douleur,
Et toujours le regret de sa mort m’acompaigne.
r. O gentils oysellets, que vous estes heureus
D’aimer si constamment, qu’heureus est vôtre cœur,
Qui, sans point varier, est tousjours amoureus !


Le sang fut bien maudit de ceste horrible face

Qui premier engendra les serpens venimeus :
Helene, tu devois quand tu marchas sus eus,
Non sans plus les arner, mais en perdre la race.
Nous estions l’autre jour dans une verte place,
Cuillants, m’amie, & moi, les fraiziers savoureux,
Un pot de cresme estoit au meillieu de nous deux,
Et sur le jonc du laict treluisant comme glace.
Quand un villain serpent, de venin tout couvert,
Par ne sçai quel malheur sortit d’un buisson vert
Contre le pied de celle à qui je fais service,
Pour la blesser à mort de son venin infect ;
Et lors je m’écriay, pensant qu’il nous eut faict
Moi, un second Orphée, & elle, une Eurydice.