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Page:Ronsard - Le Bocage, 1554.djvu/34

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Epitafe d’Albert, ioüeur de Luc du Roi, Entreparleurs :le Paſſant, & le Prestre.

Pa. Qu'oi-ie dãs ce tõbeau reſõner ? PRE. vne lyre.
Pa. N’est ce pas celle là qui peut ſi bien redire
Les chanſons d’Apollon, que flatés de ſa vois
Tiroit racine & tout les Rochiers & les bois?
Et pres de Pierie, ainſi qu’une ceinture
En vn rond les ſerroit sur lapleine verdure?
Pre Ce n’est pas celle là. PA. é laquelle est ce donc?
[Pre] C’est celle la d’Albert, que Phebus au poil blond
Apriſt des le berceau, & lui donna la harpe,
Et le Luc le meilleur qu’il mit onc en écharpe,
Si bien qu’apres sa mort son Luc meſmes enclôs
Dedans ſa tombe, encor ſonne contre ses ôs.
Pa. Ie ſuis eſmerueillé que ſa lyre premiere
En ſon arc, ne flechit la Parque ſa meurtriere?
Pre Point n’en faut s’ebahir, Orfée qui fut bien
Enfant de Calliope, & du Dieu Cynthien
Ne la ſceut onc flechir, & pour la fois ſeconde,
D’ou plus il ne reuint, alla voir l’autre monde.
Pa. Quelle mort le tua ? PR. vne pierre qui vint
Lui boucher la veciz, & le conduit lui print
En celle part, où l’eau par ſon canal chemine,
Et tout d’un coup boucha ſa vie & ſon vrine.
Pa. Ie ſuis tout esbahi que lui qui flechiſſoit
Les pierres de ſon Luc, ne ſe l'amoliſſoit?