Page:Ronsard - Le Bocage, 1554.djvu/51

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Cache pour cette nuit ta corne, bonne Lune,
Ainſi Endemion ſoit touiours ton ami,
Et ſans ſe reueiller, en ton ſein endormi:
Ainſi nul Enchanteur iamais ne t’importune.

Le iour m’est odieux, la nuit m’est oportune,
Ie crains de iour l’aguet d’un voiſin ennemi,
De nuit plus courageus ie trauerſe parmi
Le camp des espions, defendu de la brune.

Tu ſçais, Lune, que peut l’amoureuſe poiſon,
Le Dieu Pan, pour le pris d’une blanche toiſon
Peut biê fléchir ton cœur, & vous Aſtres inſignes

Favoriſés au feu qui me tient alumé:
Car s’il vo' en ſouuiêt la pluſpart de vo'signes
Ne ſe voit luire au ciel que pour auoir aimé.


Le Ieu, la Grace, & les freres iumeaus
Suiuent madame, & quelque part qu’elle erre,
Dessous ſes piés fait emailler la terre,
Et des Hyuers fait des printans nouueaus.

En ſa faueur iargonnent les oiſeaus,
Ses vens Eole en ſa cauerne enſerre,
Le dous Zephire un dous ſouspir deſſerre,
Et tous muets s’acoiſent les ruceaus.

Les Elemans ſe remirent en elle,
Nature rit de voir choſe ſi belle:
Mais las! ie crains que quelcun de ſes Dieus

Ne paßionne apres ſon beau viſage,
Et qu’en pillant le treſor de nôtre age,
Ne la rauiſſe, & ne l’emporte aus cieus.