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XX

Amour, qui tiens tout seul de mes pensers la clef,
Qui ouvres de mon cœur les portes et les serres,
Qui d’une mesme main me guaris et m’enferres,
Qui me fais trespasser et vivre derechef :

Tu distilles ma vie en si pauvre méchef,
Qu’herbes drogues ny jus ny puissance de pierres
Ne pourroyent m’alleger, tant d’amoureuses guerres
Sans trêves tu me fais, du pied jusques au chef.
 
Oiseau, comme tu es, fay moy naistre des ailes,
Afin de m’en-voler pour jamais ne la voir :
En volant je perdray les chaudes estincelles,

Que ses yeux sans pitié me firent concevoir.
Dieu nous vend chèrement les choses qui sont belles.
Puis qu’il faut tant de fois mourir pour les avoir.