Page:Ronsard - Sonnets pour Hélène - 1921.djvu/210

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En qui Dieu nous escrit en notes non obscures
Les sorts et les destins de toutes créatures.
Car luy, en desdaignant (comme font les humains)
D’avoir encre et papier et plume entre les mains,
Par les astres du ciel qui sont ses characteres,
Les choses nous prédit et bonnes et contraires :
Mais les hommes chargez de terre et du trespas
Mesprisent tel escrit, et ne le lisent pas.
 
Or le plus de mon bien pour décevoir ma peine,
C’est de boire à longs traits les eaux de la fontaine
Qui de vostre beau nom se brave, et en courant
Par les prez vos honneurs va tousjours murmurant,
Et la Roynee se dit des eaux de la contrée :
Tant vault le gentil soin d’une Muse sacrée,
Qui peult vaincre la mort et les sorts inconstans,
Sinon pour tout jamais, au moins pour un long temps.
Là couché dessus l’herbe en mes discours je pense
Que pour aimer beaucoup j’ay peu de recompense,
Et que mettre son cœur aux Dames si avant,
C’est vouloir peindre en l’onde, et arrester le vent :
M’asseurant toutefois qu’alors que le vieil âge
Aura comme un sorcier changé vostre visage.
Et lors que vos cheveux deviendront argentez.
Et que vos yeux, d’amour ne seront plus hantez,