Page:Ronsard - Sonnets pour Hélène - 1921.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

59
POUR HÉLÈNE, LIVRE I.


CHANSON


Quand je devise assis auprès de vous,
Tout le cœur me tressaut :
Je tremble tout de nerfs et de genous,
Et le pouls me defaut.
Je n’av ny sang ny esprit ny haleine,
Qui ne se trouble en voyant mon Helene,
Ma chère et douce peine.

Je devien fol, je pers toute raison :
Cognoistre je ne puis
Si je suis libre, ou mort, ou en prison :
Plus en moy je ne suis.
En vous voyant, mon œil perd cognoissance
Le vostre altere et change mon essence,
Tant il a de puissance.

Vostre beauté me fait en mesme temps
Souffrir cent passions :
Et toutesfois tous mes sens sont contens,
Divers d’affections.
L’œil vous regarde, et d’autre part l’oreille