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VITTORE CARPACCIO.
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Dans une tonalité générale très ambrée, cette toile a un fond de collines céruléennes au sommet desquelles des arbres se profilent, très légers, sur le ciel pâle. Un hémicycle de fabriques blanches ou à peine rosées, des tours à dômes bleus avec lesquels voisine un arc de triomphe corinthien, l’église du Saint-Sépulcre dans le lointain, plus près la mosquée d’Omar, figurent le panorama de Jérusalem et, à défaut d’exactitude littérale, elles ont une vérité de sentiment exotique.

Avec un brio qui se complaît aux descriptions les plus fouillées et les plus verveuses, Carpaccio dresse aux pieds de saint Étienne une assemblée orientale. L’on est frappé, au premier coup d’œil, par l’ingéniosité extérieure de ce piquant spectacle. Gandouras superbes, robes tombantes, larges burnous drapés luttent de diversité avec les coiffures : il n’est pas deux turbans semblables, encore voit-on tout auprès des chapeaux à calotte ronde, conique, pointue. Les femmes seules offrent plus d’unité, avec leurs hautes coiffures dont descendent des voiles qui souvent dérobent leur visage. Ce ne sont pas des Vénitiens en travesti : cette documentation riche est soutenue par une admirable intuition ethnologique. Attitudes, expressions, tout nous révèle le caractère spécial d’un peuple. Les visages masculins à la peau sèche, au nez proéminent, s’encadrent de cheveux aux boucles crépues : les grandes barbes frisées tombent sur les poitrines. Les gestes sont amplifiés par les draperies ainsi que le témoignent surtout les personnages des fonds.