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VITTORE CARPACCIO.

Dans le studio de saint Jérôme comme dans le songe de sainte Ursule, c’est même vérité, mais dans l’apaisement. Discrète et assourdie, elle baigne la pièce sans rien faire vibrer ; elle rayonne sur le visage de la sainte endormie, sur le front levé du docteur qui médite, puis, comme craintive de troubler leur sérénité, elle glisse sur le plancher, aux parois, en échos affaiblis et presque silencieux.

Dans la couleur, pareille unité, semblable intelligence. Comme tous les Vénitiens, Carpaccio cherche la symphonie colorée, mais pour lui peut-être le problème est rendu plus ardu par la complexité des fabriques et la multitude des personnages mis en scène. Cette difficulté se tourne à sa gloire et les petits bonshommes épars aux arrière-plans semblent placés tout exprès pour former des notes de rappel à l’accord central.

Il sent une correspondance entre les tonalités et les émotions, et l’harmonie presque mate de la Présentation a une tenue religieuse, le tragique du Combat de saint Georges se répercute en des notes sourdes et sombres ; la gamme est baissée d’un demi-ton dans le Sommeil de sainte Ursule, mais dans le Baptême du roi Aya, la couleur vibre avec allégresse.

À cette séduction immédiate s’ajoute, pour qui regarde longuement, un charme plus complexe. Carpaccio possède le secret de faire rendre à chaque note en particulier son maximum de richesse de vibration sans troubler l’accord dont elle est une partie composante. Ses tons sont essentiellement vénitiens, le rose ambré, rose de Chine, y domine