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N’est-ce pas pour l’École un excellent titre à la popularité que d’ètre née d’une rupture brusque avec le passé, d’avoir éclaté comme un scandale dans le calme académique des dynasties des Van Loo et des Coypel, d’être, en un mot, révolutionnaire ? Cette origine on ne 1 a pas oubliée. On se souvient encore du rococo, du dévergondage, du tintamarre étourdissant dont elle a débarrassé 1 ait. On lui sait gre d avoir rejete les brocards, les panaches, les mièvreries et les richesses trompeuses et, en chassant du temple de l’art les vendeurs de peinture sans idéal, les Bouclier, les Lancret, les Fragonard, d’avoir restauré la simplicité et la sincérité.

David a ramené son siècle à la nature (1),

écrit Casimir Delavigne et il est l’interprète du sentiment général. Le public qui applaudit les pâles alexandrins des disciples attardés de Racine aime à retrouver, dans un geste de Talma, l’attitude de quelques héros de David. L’art et la littérature sérieuse, étrangers l’un à l’autre depuis le xvn e siècle, semblent s’être rapprochés. On est bien aise de retrouver au salon les émotions que l’on a éprouvées à la comédie.

Cette peinture enfin, si lucide, si claire, qui ne laisse rien à deviner, qui se développe avec solennité, cette peinture qui n’admet pas le vague, qui évite d’éblouir et n’appelle pas la rêverie, convient admirablement au génie raisonneur de la France, épris à outrance de logique, peu sensible à l’émotion picturale pure, prompt à relever les mérites littéraires d’un tableau. Les peintres ont accepté facilement le joug. La simplicité de la doctrine leur en a rendu l’assimilation aisée ; le caractère en est trop systématique et trop abstrait pour leur déplaire.

Le public s’est applaudi de voir succéder à la diversité des anciens maîtres une manière unique ; il a vu avec plaisir que les artistes s’étaient donné un chef, et le principe d’autorité, si puissant chez nous, a été satisfait le jour où l’art a été pourvu d’un code de lois.

C’est, ainsi que David règne depuis trente années. Tous les arts ont subi son action. Partout domine un goût pseudo-antique et le mobilier dessiné par Percier et Fontaine, comme les temples, comme la statuaire, dépendent de ses formules. S’il n’a pu imposer ce costume que ses élèves avaient un instant porté par forfanterie, il a du moins transformé le cadre de la vie contemporaine. Jamais idolâtrie ne fut si complète, jamais gloire ne fut moins discutée. La littérature, bien qu elle soit plus sobre qu elle ne l’est devenue, de développe- (1) Casimir Dclavigne, 2 e Messênieniie. — « Ail ! qu’Attala au tombeau possède bien mieux ce qui est en droit de nous plaire ! là point de prestige ; tout est vrai, tout est naturel dans cette composition. » Kératry, Du Beau, II, p. 109.

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