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de leur génie, leur furent, certes, plus profitables que les avertissements que les critiques d’art ne cessaient de prodiguer aux artistes. Sans doute, un critique peut exercer une action sur les artistes de son temps. Mais il faut, pour cela, qu’il ait une vigueur de talent et une ardeur de conviction, une persévérance qui le rendent capable de défendre, sans se décourager, une idée qu’il aura fait sienne et dont il ne se départira pas. C’est ainsi que Thoré ou Castagnary ont eu une part réelle au mouvement artistique contemporain.

De telles vertus sont rares. Elles l’ont été, surtout, à l’époque impériale. Des hommes distingués ont écrit des feuilletons ou des brochures (I) ; ils ont émis des idées ingénieuses ; ils n’ont eu ni assez de force, ni assez de constance pour déterminer une déviation artistique. Leurs écrits nous intéressent ; ils nous font toucher du doigt les défauts de l’Ecole, dont on avait, dès lors, le sentiment. Ces défauts, je ne pense pas qu’ils aient beaucoup travaillé à les corriger. Aussi, en invoquant quelques-uns de leurs témoignages, j’ai bien plus l’intention d’y chercher des indications sur le goût du début du siècle que de leur attribuer une influence dont je ne crois pas qu’ils aient joui. Deux constatations, surtout , valent la peine d’être faites. Malgré les efforts de David, la sympathie artistique n’était pas morte ; quelques esprits, au moins, s’apercevaient (pic le vice capital de l’Ecole était l’application à la peinture des règles de la statuaire.

Un peintre aujourd’hui fort oublié, mais qui eut alors une sorte de notoriété, Taillasson, peut témoigner, à lui seul, que les anciens autels n’étaient pas entièrement délaissés. Il a réuni en un volume (2) des lectures qui, faites devant quelques sociétés artistiques, y avaient obtenu un grand succès (3), succès, luitons-nous de le dire, très légitime.

Taillasson avait, pour l’école régnante, peu de respect ; il ne se consolait de son empire (pie parce qu’il pensait que cet empire, comme toutes les modes artistiques, aurait une fin (4). et, bien qu’il partageât quelques-uns des préjugés de son temps, il ne perdait pas une occasion d’attaquer la froideur, la prétention et la correction de ses voisins.

Le choix des peintres célèbres, auxquels il a consacré une étude, laisse à penser (1) Voir le dénombrement dans Benoît, op. cit , p. 95. (2) Observations sur (/ue/</ues grands peintres dans lesquelles on cherche à fixer les caractères distinctifs de leur talent, avec un précis de leur vie ; à Paris, 1807. (3) Taillasson avait fait ses lectures devant la Société libre des Sciences, Lettres et Arts ; plusieurs parurent d’abord dans le Journal des Arts et dans le Moniteur (Observations, p. v et vj). (t) « Les modes passent, leur souvenir même s’éteint bientôt avec elles ; les anciennes ont passé, les