CHAPITRE PREMIER
Supposons, vers 1815, un amateur sollicité par quelque étranger de lui faire connaître les principaux peintres de la France[1]. Des noms familiers lui seraient d’abord venus aux lèvres : celui de David, le premier ; puis il aurait cité Guérin, Girodet, Gros et Gérard, attribuant à chacun de ces artistes, selon ses préférences, une place plus ou moins éminente. Il n’aurait pas oublié Prudhon dont il aurait caractérisé le génie et l’isolement[2]. Après cette phalange d’élite, il se serait recueilli, aurait hésité quelques instants, et d’autres héros de moindre notoriété lui seraient revenus à la mémoire : il aurait énuméré, un peu au hasard, Vincent, Régnault, Lethière, Meynier, Hennequin, Paulin Guérin, Granger, Carle Vernet, Isabey le miniaturiste, Bidault le paysagiste ou Berlin. Il est à présumer qu’il aurait oublié Géricault exposant de 1812 et de 1814. Quant à Ingres, il n’en aurait parlé que pour déplorer les hérésies esthétiques où celui-ci consumait son talent.
Ce dénombrement se serait, sans aucun doute, terminé par un couplet à la
- ↑ Voir, par exemple, la liste dressée par le Mercure de France, oct. 1815. — Consulter aussi la liste dressée en 1800 par l’expert Lebrun pour Lucien Bonaparte (Nouvelles Archives de l’Art français, tome I, P. 431).
- ↑ Casimir Delavigne, dans la seconde Messénienne, énumérant les tableaux les plus célèbres de l’École, cite Jaffa (Gros), Austerlitz (Gérard), Didon (Guérin), Eudymion (Girodet), La Justice (Prudbon) et Léonidas (David).