Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus implacable, plus venimeuse, plus destructive que la puissance des félins, des serpents et des loups. Et, se souvenant de la bonté des mammouths, sa poitrine se soulève, un soupir caverneux la déchire, il tourne vers eux cette adoration qui germe au fond de son âme et qui, aussi forte que l’adoration du Feu, est plus tendre et plus douce…

Cependant, le Soleil et l’Eau mêlent leurs vies brillantes. L’Eau est immense, on ne voit pas sa fin, et le Soleil n’est qu’un feu grand comme la feuille du nymphéa. Mais la lumière du Soleil est plus grande que l’Eau même : elle s’étale sur le marécage, elle remplit tout le ciel qui lui-même domine l’étendue de la terre. Dans sa fièvre, Naoh, sans cesser de songer aux Nains Rouges, au combat, aux embuscades et à la délivrance, s’étonne de la lumière si vaste venue d’un feu si petit. Un poids terrible enveloppe ses épaules ; son cœur saute comme une panthère, il l’entend battre contre ses os…

Quelquefois, le Nomade se dresse et lève sa massue ; la guerre le remplit tout entier, ses bras s’impatientent de ne pas frapper ceux qui insultent à sa force. Mais la prudence et la ruse reviennent, sans lesquelles aucun homme ne persisterait une saison : sa mort serait trop belle pour l’ennemi s’il allait la chercher lui-même ; il faut qu’il fatigue les Nains Rouges, qu’il les effraie, qu’il en tue beaucoup. D’ailleurs, il ne veut pas mourir, il veut revoir Gammla. Et, quoiqu’il ne sache pas comment il décevra la horde, sa vie forte garde l’espoir, ne sent pas qu’elle puisse disparaître ; elle s’étend aussi loin que les eaux et que la lumière.

D’abord les Nains Rouges n’avaient point paru, par crainte d’une embûche ou parce qu’ils attendaient une imprudence des Oulhamr. Ils se montrèrent vers le déclin