Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/153

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Déjà il était hors de portée… et, ce soir-là, les Nains Rouges n’osèrent pas encore risquer la grande lutte.



III

LA NUIT SUR LE MARÉCAGE


Quand le fils du Léopard eut tourné le Feu, il déposa l’homme sur les herbes sèches et le considéra avec surprise et méfiance. C’était un être extraordinairement différent des Oulhamr, des Kzamms et des Nains Rouges. Le crâne, excessivement long et très mince, produisait un poil chétif, très espacé ; les yeux, plus hauts que larges, obscurs, ternes, tristes, semblaient sans regard ; les joues se creusaient sur de faibles mâchoires, dont l’inférieure se dérobait ainsi que la mâchoire des rats ; mais ce qui surprenait surtout le chef, c’était ce corps cylindrique, où l’on ne discernait guère d’épaules, en sorte que les bras semblaient jaillir comme des pattes de crocodile. La peau se montrait sèche et rude, comme couverte d’écailles, et faisait de grands replis. Le Fils du Léopard songeait à la fois au serpent et au lézard.

Depuis que Naoh l’avait déposé sur les herbes sèches, l’homme ne bougeait pas. Parfois ses paupières se soulevaient lentement, son œil obscur se dirigeait sur les Nomades. Il respirait avec bruit, d’une manière rauque, qui était peut-être plaintive. Il inspirait, à Nam et Gaw, une vive répugnance ; ils l’eussent volontiers jeté à l’eau. Naoh s’intéressait à lui, parce qu’il l’avait sauvé des ennemis et, beaucoup plus curieux que ses compagnons, il se demandait d’où l’autre venait, comment il se trouvait dans le marécage, comment il avait reçu