Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/166

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gables ; ils se servaient d’un langage moins imparfait que celui de leurs semblables. Et leurs générations s’accroissaient incomparablement sur la face du monde. Puis, sans qu’ils eussent subi d’autres cataclysmes que les autres hommes, leur croissance s’arrêta. Ils ne s’en étaient pas plus aperçus qu’ils n’avaient dû s’apercevoir de leur déchéance.

Les milieux qui avaient favorisé leur développement le contrarièrent. Leurs corps devinrent plus étroits et plus lents ; leur langage cessa de s’enrichir, puis il s’appauvrit ; leurs ruses se firent plus grossières et moins nombreuses ; ils ne maniaient ni avec la même vigueur ni avec la même adresse leurs armes moins bien construites. Mais le signe le plus sûr de leur décadence fut le ralentissement continu de leur pensée et de leurs gestes. Vite las, ils mangeaient peu et dormaient beaucoup : en hiver, il leur arrivait de s’engourdir comme les ours.

De génération en génération décroissait leur faculté de se reproduire. Les femmes concevaient péniblement un ou deux enfants, dont la croissance était difficile. Un grand nombre d’entre elles demeuraient stériles. Toutefois elles manifestaient une vitalité supérieure à celle des mâles, plus d’endurance aussi, et leurs muscles avaient subi une moindre atteinte. Peu à peu, leurs actes devinrent identiques à ceux des guerriers : elles chassaient, pêchaient, taillaient les armes et les outils, combattaient pour la famille ou la horde. En somme, la différence des sexes s’abolissait presque.

Et la race entière se trouva rejetée lentement vers le sud-ouest par des concurrents plus rudes, plus actifs, plus prolifiques.

Les Nains Rouges en avaient anéanti des hordes nombreuses ; les Dévoreurs d’Hommes les avaient massacrés