Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/188

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de se voir devancés, arrivaient tous ensemble, avec leurs voix déchirantes. Il faillit y avoir bataille. Les chiens, serrés les uns contre les autres, conscients de la puissance du nombre, exaltés par le sentiment de leur avance, tenaient soudain tête. Une impatience furieuse tordait les entrailles des loups. Et, dans la dernière cendre crépusculaire, les deux hordes oscillaient, vagues de chairs palpitantes et long déferlement de clameurs.

Il n’y eut pas de mêlée. Quelques individus moins grégaires ayant continué la chasse, leur exemple prévalut. Parallèles, la file des chiens et celle des loups se menaçaient dans le soir de famine. L’opiniâtre poursuite, à la longue, inquiétait les hommes. Devant l’Occident presque noir, parmi tant de corps sournois, ils sentaient la mort.

Un groupe de chiens devança Gaw, qui marchait vers la gauche, et l’un d’eux, qui avait la taille d’un loup, s’arrêta, montra ses dents étincelantes et bondit. Le jeune homme, nerveusement, lança son harpon. Celui-ci s’enfonça dans le flanc de la bête, qui se mit à tournoyer, avec un long hurlement ; Gaw l’acheva d’un coup de massue.

Au cri d’agonie, les chiens affluèrent : une solidarité plus forte que celle des loups les unissait, et, lorsqu’un d’entre eux était en danger, il leur arrivait de braver les grands carnivores. Naoh craignit l’attaque de toute la bande. Il rappela Nam et Gaw, afin d’intimider les bêtes. Serrés l’un à l’autre, les nomades faisaient masse ; les chiens, étonnés, déferlèrent autour. Qu’un seul osât se précipiter, tous le suivraient et les os des hommes blanchiraient dans la plaine…

Brusquement, Naoh darda une sagaie : un chien s’abattit, la poitrine trouée. Le chef, l’ayant saisi par les pattes arrière, le jeta dans un groupe de loups qui rabattait à droite. Le blessé y disparut, et l’odeur du sang, la proie facile exaspérant leur faim, les fauves se