Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/60

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tendit pas longtemps pour en avoir la certitude. Une bête jaillit sur la plaine. On eût dit un cheval au poitrail étroit ; une raie brune soulignait son échine. Elle s’élançait, avec la vélocité des élaphes, suivie de trois loups qui, moins lestes qu’elle, n’auraient pu compter que sur leur endurance ou sur un accident pour la rattraper. D’ailleurs, ils ne donnaient pas toute leur vitesse, ils continuaient à répondre aux hurlements de leurs compagnons embûchés. — Bientôt, ceux-ci surgirent ; l’hémione se vit investi. Il s’arrêta, tremblant sur ses jarrets, explorant l’horizon avant de prendre un parti. Toutes les issues étaient barrées, sauf au nord, où l’on n’apercevait qu’un vieux loup gris. La bête traquée choisit cette voie. Le vieux loup, impassible, la laissa venir. Quand elle fut proche et qu’elle se disposa à filer en oblique, il poussa un hurlement grave. Alors, sur un tertre, trois autres loups se montrèrent.

L’hémione s’arrêta avec un long gémissement. Il sentit tout autour de lui la mort et la douleur. L’étendue était close, où son corps agile avait su déjouer tant de convoitises : sa ruse, ses pieds légers, sa force défaillaient ensemble. Il tourna plusieurs fois la tête vers ces êtres qui ne vivent ni des herbes ni des feuilles, mais de la chair vivante ; il les implora obscurément. Eux, échangeant des clameurs, resserraient le cercle ; leurs yeux dardaient trente foyers de meurtre : ils affolaient la proie, craignant ses durs sabots de corne ; ceux de face mimaient des attaques, afin qu’elle cessât de surveiller ses flancs… Les plus proches furent à quelques coudées. Alors, dans un sursaut, recourant une fois encore aux pattes libératrices, la bête vaincue se lança éperdument pour rompre l’étreinte et la dépasser. Elle renversa le premier loup, fit trébucher le deuxième : l’enivrant espace fut ouvert devant elle. Un nouveau fauve, survenant à l’improviste, bondit