Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/69

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attaquait avec son épieu. Elle ondula avec une vitesse prodigieuse, aplatit Nam contre le sol, et se dressa sur ses pattes arrière pour saisir Naoh. La gueule monstrueuse fut sur lui, un souffle brûlant et fétide ; une griffe le déchirait… La massue s’abattit encore. Hurlant de douleur, le fauve eut un vertige qui permit au nomade de se dégager et de disloquer une deuxième patte. La tigresse tournoya sur elle-même, cherchant une position d’équilibre, happant dans le vide, tandis que la massue cognait sans relâche sur les membres. La bête tomba, et Naoh aurait pu l’achever, mais les blessures de ses compagnons l’inquiétèrent. Il trouva Gaw debout, le torse rouge du sang qui jaillissait de sa mamelle : trois longues plaies rayaient la chair. Quant à Nam, il gisait, étourdi, avec des plaies qui semblaient légères ; une douleur profonde s’étendait dans sa poitrine et dans ses reins ; il ne pouvait se relever. Aux questions de Naoh, il répondit ainsi qu’un homme à moitié endormi.

Alors le chef demanda :

— Gaw peut-il venir jusqu’à la rivière ?

— Gaw ira jusqu’à la rivière, murmura le jeune Oulhamr.

Naoh se coucha et colla son oreille contre la terre, puis il aspira longuement l’espace. Rien ne révélait l’approche du Lion Géant et, comme, après la fièvre du combat, la soif devenait intolérable, le chef prit Nam dans ses bras et le transporta jusqu’au bord de l’eau. Là, il aida Gaw à se désaltérer, but lui-même abondamment et abreuva Nam en lui versant l’eau du creux de sa main entre les lèvres. Ensuite, il reprit le chemin des blocs basaltiques, avec Nam contre sa poitrine et soutenant Gaw qui trébuchait.

Les Oulhamr ne savaient guère soigner les blessures : ils les recouvraient de quelques feuilles qu’un instinct,