Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/76

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tendre les vibrations de la terre. Coup sur coup, d’autres clameurs éclatèrent.

Naoh, se relevant, cria :

— Le Grand Lion est encore sur l’autre rive !

La voix grondante décroissait ; la bête avait abandonné la poursuite et se retirait vers le nord. Or, il était improbable qu’un autre félin de haute stature empiétât sur le territoire ; quant à l’ours gris, rare déjà dans le terroir où Naoh l’avait combattu, il devait être presque introuvable si loin et si bas dans le sud. Et, à trois, ils ne redoutaient ni le léopard ni la grande panthère.

Ils marchèrent très longtemps. Quoique la bruine fût dissipée, les ténèbres demeuraient profondes. Une épaisse muraille de nuages couvrait les étoiles. On n’apercevait que ces phosphorescences légères qui s’échappent des plantes ou se posent sur les eaux ; une bête soufflait dans le silence ou faisait entendre le frôlement de ses pattes ; un grondement roulait sur les herbes mouillées ; des fauves en chasse hurlaient, glapissaient, aboyaient.

Les Oulhamr s’arrêtaient pour saisir les bruits et les senteurs, qui sont comme la rôderie aérienne des bêtes. Enfin, Nam et Gaw commencèrent à se lasser. Nam sentait une faiblesse autour de ses os, les cicatrices de Gaw étaient plus chaudes : il fallait chercher un abri. Pourtant, ils franchirent encore quatre mille coudées : l’air redevint plus humide, le souffle de l’espace s’enfla. Ils devinèrent qu’une grande masse d’eau était prochaine. Bientôt, ils en eurent la certitude.

Tout semblait paisible. À peine si quelques bruits furtifs annonçaient la fuite d’une bestiole, si quelque forme apparaissait et disparaissait dans un bond rapide. Naoh finit par choisir comme abri un immense peuplier noir. L’arbre ne pouvait offrir aucune défense contre l’attaque des fauves, mais, dans les ténèbres, comment