Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

Je regardai un instant les beaux yeux frais. J’eus au cœur une peine étrange. Il me parut si dur que cette fille des hommes passât sur la terre sans que j’eusse eu d’elle au moins je ne sais quoi souvenir de tendresse ! Et l’idée me vint sans transition, ironique et tendre, que peut-être la Dessiccation harmonique servirait à me donner un enivrement plus doux que l’arrivée du printemps sur les prairies.

Je feignis de lire et de relire le pledge, puis je dis avec tremblement :

— Je ne crois pas que mon corps soit immortel… Non, en vérité, je ne le crois pas ! Mais il m’est agréable de croire que le vôtre ne doit jamais périr, — pas plus que la Victoire de Samothrace.

Elle sourit, telle quelque fraîche nymphe, fille du fleuve Simoïs ou du Caystre. Et j’ajoutai :

— Conseillez-vous à l’incrédule de signer ?

— Mais cela ne peut lui faire aucun mal. Quand bien même le corps mourrait tout entier, une sépulture plus digne ne saurait nuire au salut !

— Ce sera tout de même un petit sacrifice, dis-je ; que me donnerez-vous en échange ?…

Elle demeura silencieuse, un peu rougissante sous le feu d’admiration de mon regard. Et j’ajoutai :