Aller au contenu

Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

son homme mourir, sur ce carrelage froid ; elle était saisie d’une terreur écrasante et d’une pitié sans bornes. Il suffirait sans doute de se lever, de fermer la fenêtre et de lui soutenir la tête… Plus de dix fois, elle souleva les couvertures. Mais, chaque fois, les mêmes mots sifflaient dans son crâne :

— Tout ça va recommencer !

Il reviendrait saoul pendant les jours, les semaines, les mois, les années. Il serait toujours plus mauvais et toujours plus pourri. Il faudrait le nourrir ; il y aurait des jours où elle aurait pitié de lui, et peut-être viendrait-il un nouveau gosse… Non, c’était impossible. Cela valait mieux, même pour lui.

Par intervalles, elle écoutait. Il s’éleva une sorte de grognement, puis un souffle rauque, puis un bruit affreux, qui venait de la gorge. Ensuite, il n’y eut plus rien…

Elle resta longtemps encore immobile, parce qu’elle n’osait pas sortir du lit et parce que, si elle en sortait, elle aurait sûrement envie de le secourir. Et s’il n’était pas trop tard ?… À la fin, ses dents se mirent à claquer, puis les battements de son cœur devinrent si horribles que c’était comme s’ils voulaient la tuer. Elle se leva lente-