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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/216

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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

J’étais jeune, je croyais aux vieilles fables où l’on voit Raminagrobis détruire des légions de rats, sans songer qu’il s’agissait des bons vieux rats noirs chassés actuellement au fin fond des campagnes désertes. Ceux qui dévastaient ma demeure étaient les terribles surmulots, qui finiront par faire écrouler nos grandes villes, si l’on n’y prend garde. J’achetai naïvement des chats. La plupart s’écartaient avec soin du chemin des rongeurs ; d’autres, après quelques simulacres de guerre, laissaient la place à des ennemis trop redoutables. À la fin, pourtant, il vint un chat blanc, plaqué de roux, qui montra une humeur différente. Rien ne le différenciait extérieurement de ses congénères. C’était comme eux un bon chat de Londres, tel qu’on en voit courir des myriades sur les murailles des jardins. Et, cependant, il se montrait aussi hardi que les autres se montraient pusillanimes.

Dès la première nuit, il entreprit la lutte. Elle fut terrible. En une semaine, il terrassa neuf rats et montra plus de quinze plaies. Loin d’être abattu par les morsures, il semblait plus surexcité après chaque rencontre. Et si l’ennemi avait été moins nombreux, il aurait certainement triomphé. Mais, selon la parole du grognard : « Ils étaient trop ! » Un samedi, il livra sa bataille décisive. Ce fut