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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/218

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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

caressant, égoïste ; l’autre, Muffat, se montrait sérieux, vigilant, plutôt réservé et d’un dévouement admirable tant à son maître qu’au domaine. Je les aimais l’un et l’autre sans excès. Nous faisions ensemble de longues courses à travers la forêt de Fontargues, qui est une des vieilles forêts de là-bas : on y montre un chêne du temps de la première croisade. Cette forêt avait abrité de nombreuses générations de bandits ; mais, au temps où je la parcourais, elle ne passait point pour dangereuse : tout au plus recélait-elle des sangliers grognons et les derniers loups du terroir. J’y passai peut-être les meilleurs moments de ma vie. Car j’ai tout à fait l’âme qui s’accommode à l’antique nature, et, fors l’amour, je ne connais rien de plus passionnant qu’une sauvage futaie, un lac étreint de végétaux, un crépuscule ouvrant ses fournaises sur des collines désertes.

Un matin, nous étions partis dès l’aube. Nous avions visité le trou de Clémorne, immense combe semée d’eaux stagnantes ; nous marchions sous les grands hêtres, lorsque deux hommes surgirent dans la pénombre. Je n’eus aucune méfiance.

Muffat et Briscard, après un aboi bref, se tenaient sur leurs gardes. Les survenants firent mine de passer à gauche tandis que j’obliquais