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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/220

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HISTOIRES DE BÊTES

Muffat, qui n’avait pas même une égratignure, me léchait les mains, avec autant de naturel et de modestie que s’il revenait d’un petit tour dans les communs du manoir. Encore épeuré, Briscard aboyait dans la pénombre.

— Vos exemples ne m’étonnent guère, remarqua l’entomologiste Pignart, après une pause. Je me suis particulièrement occupé, cette saison, de la combativité chez les insectes. Et j’ai pu me convaincre que chez ces bêtes les différences individuelles existent aussi bien que chez les mammifères.

Il y a des guêpes héroïques et d’autres relativement couardes, des carabes qui se laissent tuer plutôt que de céder à un ennemi plus vigoureux, et d’autres qui flanchent dès qu’ils ne se sentent pas de force. Si nous pouvions voir les choses de près, nous nous apercevrions que, même chez les plus humbles créatures, autant d’individus, autant de caractères… Sans compter que chaque être vivant subit encore des variations qui rendent parfois l’appréciation de son tempérament bien délicate : une bête, tout comme un homme, est lâche un jour, courageuse l’autre ; irascible à telle heure, aimable à telle autre… Bâtissons des systèmes et construisons des règles — puisqu’il n’y a pas moyen de s’orienter autrement — mais n’y croyons jamais qu’à demi !