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L’ONCLE ANTOINE

suffit. En vain, comme il était vrai, M. Beauchêne accusa-t-il des concurrents véreux, en vain offrit-il des garanties indiscutables. En deux jours, les mines espagnoles perdirent les trois quarts de leur valeur et les houillères belges dégringolèrent au-dessous du prix d’émission.

En suite de quoi Maurice Rivoir vit ses revenus maigrir lamentablement. Quinze mille francs de rente étaient enterrés sous la terre ibérique et dans les sous-sols du Hainaut.

Maurice se disait avec rage :

« Tout cela ne serait pas arrivé si l’oncle Antoine avait été plus large ! »

Il ajoutait, parlant à sa femme :

— Qu’a-t-il besoin, à son âge, de vingt-cinq mille francs de rentes ?

Il se dispensa de faire entendre aucune parole analogue à Antoine, mais il geignit tant et si fort que celui-ci finit, avec un soupir, par détacher trois cent mille francs du capital qu’il s’était réservé.

Ce geste créa d’abord une situation confortable. Puis Maurice et sa femme s’avisèrent que, somme toute, l’oncle jouissait encore de douze mille livres de rentes. Évidemment, on ne pouvait pas les lui demander : d’ailleurs, ils reconnaissaient qu’il avait agi avec un certain chic. Tout de même, ces douze mille francs accroîtraient joliment leur bonheur ! Ils étaient jeunes, ils avaient des enfants… l’oncle atteignait ses soixante-sept ans !