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LE SAUVETEUR

Cependant la clameur des vagues m’excitait tel un chant de guerre. Je me dirigeai vers un canot amarré dans une anse, je m’y jetai comme un furieux et, quelques minutes plus tard, la petite embarcation bondissait sur l’océan. Cela n’allait pas trop mal. Il y avait un moment de répit. Et je ramais furieusement : un vertige belliqueux doublait ma force. Mais bientôt les flots rebondirent ; mon canot dansait ainsi qu’une coquille de noix ; des paquets d’eau amère se jetaient en travers de ma figure ; je chavirais. Le hasard ou la Providence me sauva et, pendant un temps indéterminé, je travaillai comme un forcené. J’avançais vers le but, mais si lentement ! Déjà tout l’îlot-écueil se couvrait d’eau : l’homme, accroché à une arête de rocher, disparaissait par intervalles sous l’écume. Dans le tapage infernal des météores, j’entendis à plusieurs reprises un cri misérable, une faible plainte épouvantée.

Je ramais convulsivement, avec une force décroissante, — mais j’approchais ; — l’écueil n’était plus qu’à quelques brasses. Une vague immense me souleva ; puis je retombai dans un gouffre d’écume. Une fois encore tout parut fini ; une fois encore la force mystérieuse me sauva. Et tout à coup je vis l’homme bondir, je le vis à deux pas