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LA MORT DE LA TERRE

Et, tendant la main vers l’immense solitude :

— Que l’existence serait belle si notre règne occupait ces affreux déserts ! Ne songez-vous jamais qu’il y avait là des mers, des lacs, des fleuves…, des plantes innombrables et, avant la période radio-active, des forêts vierges ? Ah ! Manô, des forêts vierges !… Et, maintenant, une vie obscure dévore notre antique patrimoine !…

Manô leva doucement les épaules :

— C’est un mal d’y penser, puisque, en dehors des oasis, la terre est aussi inhabitable pour nous, plus peut-être, que Jupiter ou Saturne.

Une rumeur les interrompit ; les têtes se dressèrent, attentives : on vit survenir une nouvelle troupe d’oiseaux. Ils annonçaient que là-bas, à l’ombre des rocs, une jeune fille évanouie était la proie des ferromagnétaux. Et, tandis que deux planeurs s’élevaient sur le désert, la foule songeait aux étranges créatures magnétiques qui se multipliaient sur la planète pendant que déclinait l’humanité. De longues minutes s’écoulèrent ; les planeurs reparurent : l’un d’eux rapportait un corps inerte, en qui tous reconnurent Elma la Nomade. C’était une fille singulière, orpheline, et peu aimée, car elle avait des instincts de rôdeuse, dont la sauvagerie déconcertait ses semblables. Rien ne pouvait l’empêcher, certains jours, de fuir à travers les solitudes…

On l’avait déposée sur la plate-forme du Planétaire ; son visage, mi-enseveli dans les longs