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LE VIEUX BIFFIN


Quand j’habitais au bout de l’avenue de Clichy, raconta Charles Marlommes, je rencontrais quelquefois un vieux biffin du temps de Louis-Philippe. C’était un paquet d’os. Ses énormes pommettes et ses longues mâchoires laissaient à peine paraître deux petites joues fauves ; ses mains, sous leur peau roussâtre, semblaient déjà des mains de squelette ; quand il marchait, les oscillations sèches et « discordantes » de son torse lui donnaient l’aspect d’une mécanique très usée.

Vous savez que j’erre volontiers dans la savane parisienne. Elle est aussi sauvage que l’autre, la savane des buffles, des coyotes, des félins et des pécaris ; elle est plus riche en bêtes imprévues, farouches, misérables ou grotesques. À force de le voir, j’avais fini par échanger des paroles avec le vieux père Bastien. Même, au bar du Grand Moka, il m’a raconté des histoires qui, en un certain sens, évoquent des temps aussi fabuleux que ceux de Thoutmès III, roi d’Égypte.