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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

de cartouches : peu de minutes avant l’accident, j’avais gaspillé deux coups sur une panthère. Les Kabyles emportaient mes munitions en même temps que divers instruments scientifiques et tous les comestibles. Le soir approchait : j’avais faim et j’avais soif. Après le crépuscule, le froid se manifesta en même temps qu’une mauvaise brise dans un ciel terriblement constellé.

La nuit fut désagréable : je gelais. Le jour fut plus désagréable encore : je rôtissais… Plus de cent heures s’écoulèrent sans que j’eusse découvert un moyen quelconque d’évasion. Il existait bien une grosse crevasse, au centre de l’île, mais où conduisait-elle ? À plusieurs reprises déjà je l’avais explorée, au péril de mes jours. Chaque fois, je m’étais arrêté devant un trou d’ombre, un trou d’enfer, qui, vraisemblablement, se terminait en cul-de-sac. Pourtant, j’essayai d’y descendre, à l’aide de ma corde et de mon piolet : il me fut impossible d’atteindre le fond. Je tentai aussi de faire des signaux, dans l’espérance d’attirer des Kabyles. Le soir, j’allumais un brasier d’herbes sèches. Personne ne vint. Et quand on serait venu ? Il n’était pas plus facile d’accéder au petit plateau que d’en descendre ! Il eût fallu un outillage spécial, que ne possédaient pas les pauvres bougres qui végètent dans les solitudes désertiques…

La faim, la soif, après quatre jours, je commençais à devenir fou. Le cinquième jour, j’entrepris