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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

Et comme Presle le regardait, étonné :

— Oui, bien singulière… mais c’est un devoir : ce jeune homme m’a sauvé la vie… Alors, je voudrais comme ça, que vous lui accordiez la main de Mlle Presle. Ça me ferait plaisir.

Et tandis que Presle devenait tout rouge d’étonnement et de colère, il répéta placidement :

— Oui, ça me ferait plaisir !

— En considération de votre âge et de votre situation, s’écria Presle, j’excuse votre démarche…

— Et pourquoi ma démarche a-t-elle besoin d’être excusée ? fit Darraz, d’un ton digne.

— Mais, reprit brutalement l’autre, vous devriez, mieux que personne, comprendre que je ne donnerai jamais ma fille à un homme pauvre.

— Mon jeune ami n’est pas pauvre ! riposta placidement l’avare.

— Ne jouons pas sur les mots… M. Vérande a tout juste de quoi vivre…

— Oui, maintenant… mais dans quelques années il sera aussi riche, ou plutôt il sera plus riche que vous !

Et mettant sa main noire sur mon épaule, il dit :

— Je l’adopte !

Et il se hâta d’ajouter :

— Mais il n’aura rien avant ma mort !

Presle devint plus rouge encore, puis il eut un grand geste d’effarement, puis il sourit et dit, presque avec humilité :