Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/55

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Targ se demanda s’il lui serait possible de revenir en arrière.

Il était comme encastré dans la terre profonde, captif du minéral, petite chose infiniment faible qu’un seul bloc réduirait en particules. Mais la fièvre de la chose commencée palpitait en lui : s’il abandonnait la tâche, avant qu’elle ne fût tout à fait impossible, il se haïrait et se mépriserait ensuite. Il persévéra.

Les membres trempés de sueur, il avança longtemps dans les entrailles du roc. À la fin, il eut une défaillance. Les battements de son cœur, qui faisaient comme un grand bruit d’ailes, s’affaiblirent. Il n’y eut plus qu’une palpitation chétive ; le courage et l’espoir tombèrent comme des fardeaux. Quand le cœur reprit quelque force, Targ se jugea ridicule d’être engagé dans une aventure aussi primitive.

— Ne serais-je pas un fou ?

Et il commença de ramper en arrière. Alors un désespoir atroce l’accabla ; l’image d’Érê se dessina si vive qu’elle semblait être avec lui dans la fissure.

— Ma folie vaudrait encore mieux que l’affreuse sagesse de mes semblables… En avant !

Il recommença l’aventure ; il joua sauvagement sa vie, résolu à ne s’arrêter que devant l’infranchissable.

Le hasard parut favorable à son audace ; la crevasse s’élargit, il se trouva dans un haut corridor de basalte dont la voûte semblait soutenue par