Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/137

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VII


C’est par ces êtres que Rougemont commença sa propagande. Les uns lui servaient simplement de phonographes : il savait qu’à répéter infatigablement la même chose, ils la répandraient ainsi que le vent et les abeilles répandent le pollen. Par les autres, il atteignait des buts profonds et durables ; il créait, avec moins d’envergure, des propagandistes à son image. Et il prenait encore un plaisir tout individuel à remuer les cœurs, à voir naître les croyances.

Pouraille et Dutilleul étaient les meilleurs échos. Le terrassier, la bouche en four, semblait manger et boire les paroles du propagandiste. Elles se logeaient dans sa cervelle vague, mais douée de la mémoire des sons ; elles y entretenaient une agitation salutaire. Isidore reproduisait les phrases au chantier et dans les cabarets circonvoisins. Elles sortaient chaotiques, au hasard des réflexes, pliées à la syntaxe de l’ivrogne. Telles quelles, elles allaient se nicher au fond d’autres crânes, elles déplaçaient des idées et préparaient des associations nouvelles. Pouraille servait aussi de trompette. Il répandait le nom de François, il excitait des camarades à venir l’entendre, il annonçait ces événements mystérieux qui plaisent à l’âme populaire.

François connut abondamment l’histoire de la Couturière et du Gentilhomme. Il vit Mme Pouraille, Émile et Fifine. Victorine, se méfiant d’abord de cet homme à la barbe fleurie, annonça à Fifine qu’il