Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/155

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il ne dédaignait pas de les convaincre. De même qu’il poussait Georgette Meulière, la petite Reine, la longue Eulalie, Jacqueline Deshauts, Mathilde Farre, à organiser un syndicat de brocheuses, de même faisait-il reluire aux yeux des ménagères la lutte contre l’alcoolisme et les droits de la femme.

À sa propagande de quartier, il alliait une action incessante dans les ateliers du boulevard Masséna. Il avait puissamment resserré les liens moraux qui unissaient à la C. G. T. les typographes, les minervistes et les relieurs de Delaborde. Alfred le Géant rouge venait plusieurs fois par semaine aux Enfants de la Rochelle, avec Vérieulx, Pierre Laglauze, dit l’Endive, Berguin-sous-Presse, Auguste Vanneraud, Louis Marihaye, Coste, Bachelet et Vidrequin.


À la période de propagande, Rougemont avait l’habitude de faire succéder ce qu’il appelait les leçons de choses. Elles consistaient à discipliner, à « épousseter et à écheniller » le district. Il fallait mettre à l’index les patrons qui se dérobaient aux engagements, en contraindre d’autres, menacer ou persuader les ouvriers marrons, pourchasser les jaunes, se porter au secours des grévistes, pousser les mécontents à la révolte ou au sabotage. Ces opérations se faisaient selon le hasard ou les circonstances. Elles débutèrent à la Maison Blanche par la mise à l’index de l’imprimerie Boucharlat.

Boucharlat, qui donnait du travail à une quarantaine de compositeurs, de minervistes et de brocheuses, occupait une longue bâtisse derrière les usines de Caillebotte. C’était un endroit ruineux. Les ateliers se développaient en longueur, éclairés par des fenêtres basses ; la nature, reprenant ses droits sur la façade, la charpente et la toiture, mordait à l’aide des lichens, crevassait par les racines des linaires ou des giroflées, trouait par les guêpes maçonnes et rongeait par les souris.