— Je ne serai pas l’esclave de mes ouvriers, déclara-t-il, en frappant sur son bureau. D’ailleurs, vous agissez salement, l’affaire était réglée, vous le savez bien, et vous l’avez reprise en sourdine. Eh bien ! j’en ai mon compte. Ceux qui ne sont pas contents peuvent ficher le camp.
— Vous continuez à oublier votre signature ! remarqua sarcastiquement le petit homme couturé.
— Je n’ai pas signé ma déchéance. Et puis, zut ! vous savez parfaitement que vous cherchez rogne, que ce n’est pas la présence de Glachant qui empêche le contrat d’être observé à votre profit. Vous agissez pour le seul plaisir de m’embêter.
— Savoir qui est le cochon !
Le père Boucharlat vit rouge ; il brandit un énorme presse-papier en criant :
— Débarrassez le plancher !
— C’est la grève !
— Je me fous de la grève… Dès aujourd’hui, j’engage qui me plaît.
Il ouvrit une porte qui donnait sur une petite antichambre, en disant :
— Entrez !
On vit entrer un individu au teint de chaux, les yeux renfoncés et dépolis par la famine, les membres réduits à l’ossature et aux tendons, avec une barbe dure, triste, pleine de bosses et de trouées :
— Vous viendrez travailler cet après-midi, lui dit péremptoirement le père Boucharlat. Y a assez longtemps que vous crevez de misère.
— C’est un sarrazin ! cria l’un des délégués… je le reconnais.
L’homme ne répondit rien ; il considérait fixement la face de Boucharlat, comme il aurait considéré la devanture d’un boulanger.
— Et pour preuve, reprit l’imprimeur, voilà une demi-journée d’avance.
Il tendit trois francs, d’un geste de charité et de