Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/228

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tance. Vous n’ignorez pas que ces industries exigent de puissants capitaux, et sont pour la plupart sous le régime des sociétés par actions. Ceux qui en recueillent le bénéfice ne savent pas du tout comment fonctionne l’entreprise. Leur rôle unique consiste à surveiller la gestion financière : encore délèguent-ils des gens pour cela, et ne connaissent-ils les bilans qu’à des époques lointaines, sans pouvoir obtenir des renseignements circonstanciés sur le détail des affaires. Ils ne montrent donc aucune compétence, ce qui ne les empêche pas d’encaisser les bénéfices. Le rôle du bourgeois actionnaire est aussi passif que le rôle du contribuable : il paye pour obtenir des intérêts comme le contribuable paye pour obtenir des routes, des gendarmes, des juges, des réverbères et des instituteurs. Seulement, tandis que le contribuable est tondu, menacé et mal servi, l’actionnaire joue au maître, fait trembler les administrateurs et recueille des bénéfices scandaleux !… J’ai dit qu’il ne faisait rien. Je me suis mal exprimé : j’aurais dû dire qu’il ne fait rien de bon. Mais il fait beaucoup de mal. Qui pis est, il ne le fait pas méchamment ! Il lui suffit de vendre de temps en temps ses actions. Voici par exemple un charbonnage. Il a été fondé au capital de trois millions. L’affaire marche. Elle donne d’abord du dix pour cent. Immédiatement, le cours des actions monte. Et comme on escompte l’avenir, l’action arrive à tripler son cours. À ce moment, bon nombre d’actionnaires, désireux de palper leur « bénéfice » en espèces sonnantes, se décident à vendre. Que font alors les nouveaux actionnaires ? Tout d’abord, ils attendent le nouveau bénéfice escompté. S’il tarde, ils gémissent, ils clabaudent ; les pauvres n’ont que du trois et demi de leur argent ! Et de répéter à qui veut l’entendre : « On dit que les houillères sont une exploitation du travailleur, et voilà, notre capital donne du trois et demi ! Ce n’est pas nous qui exploi-