Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

loge jaune. Les deux frères Sambregoy suivirent, agiles comme des panthères. Et Varang, assis à califourchon sur le bord écarlate :

— Ceux qui voudront des patates en boufferont !

— À la lutte ! À la lutte ! suggérait toujours le garçon boucher, dressé sur une stalle.

— Homme contre homme ! proclama Bardoufle. Rien dans les mains, rien dans les poches !

Il ployait son bras d’Ajax et faisait volter les biceps. L’homme tondu, montrant à son tour « ses pommes de terre », éjaculait :

— Viens-y, feignant ! Viens tâter ma viande si tu as de la moelle.

Il s’avançait ; la foule s’écartait à son passage. L’escouade jaune suivait le sillage ; les deux frères Sambregoy marchèrent la canne en garde.

— En avant ! claironna Gourjat la Trompette.

Il s’élançait près d’Alfred, pendant que Dutilleul et les Six Hommes s’ébranlaient d’un mouvement militaire.

— Camarades ! hennissait Combelard, laissez parler l’orateur.

La salle ignorait ses cris, ses gestes et sa présidence. Et quand on vit l’homme tondu et Bardoufle face à face, des rauquements approuvèrent : ainsi les fils de la Louve acclamaient les gladiateurs ou les fauves. Puis il se propagea un calme étrange. Le géant Alfred, Taupin à la tête de granit, Gourjat, Dutilleul et les Six Hommes s’arrêtèrent en demi-cercle ; de même l’escouade jaune, les Sambregoy, le Déroulède, le charcutier Varang. Tous acceptaient le duel, la tradition symbolique des champions. Combelard même arrêta son larynx et sa sonnette ; et l’on vit Christine, magnifiquement pâle, détourner seule la tête, pleine de dédain et de dégoût.

— À la lutte ! À la lutte ! répétait encore le garçon boucher.