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II


Les terrassiers et les ouvriers du bâtiment s’organisaient avec une ténacité calme. Jamais le sabotage et le « ralentissement » n’avaient été discutés avec plus de méthode et mis en pratique avec plus de discipline. Chez les maçons, comme chez les terrassiers, comme chez les ravaleurs, le travail assidu devint une honte. Tout homme qui accomplissait une tâche normale manquait de cœur et de dignité ; c’était un inconscient ou un esclave. Ces idées s’emboîtaient parfaitement dans la tête des remueurs de terre et des gâcheurs de plâtre.

C’est surtout dans le truquage qu’ils devenaient extraordinaires. Les habiles connaissaient à fond l’art de tourner la difficulté. Chaque tâche était précédée d’ingénieux préliminaires, exécutée avec une lenteur savante, entrecoupée de pauses pendant lesquelles l’artisan examinait, cherchait, tâtait, réfléchissait et semblait résoudre de subtils problèmes. Les individus gauches ou lourds se fatiguaient par le simulacre même, par la nécessité de défaire ce qu’ils avaient, imprudemment, fait de trop.


En somme le résultat fut appréciable. Partout le travail diminuait dans une proportion encourageante. La C. G. T. ne tarissait pas d’éloges. Ses agents se pâmaient : enfin commençait la vraie guerre des classes qui ne devait finir qu’avec l’expropriation bourgeoise.

François Rougemont y voyait une phase fatale de